BORN UNDER A BAD SIGN
Croyez vous à la fatalité ? Que tout arrive pour une raison ? Que le lien de cause à effet n'est pas qu'une théorie farfelue ? J'y ai cru un temps. A présent vous vous demandez sûrement pourquoi non ? Pour comprendre, il faut remonter à ma naissance. Il y a trente ans de ça maintenant. Cela fait huit ans que ma mère et mon père vivent heureux malgré les petits obstacles de la vie. Mon père, Connor McRae est militaire, les déménagements sont donc légion pour lui, quittant une ville pour une autre en fonction de ses affectations. Par amour, ma mère l'a toujours suivie, où qu'il aille. C'est d'ailleurs durant son affectation à Baltimore qu'il a rencontré celle qui serait sa femme plus tard. Et il a galéré pour l'avoir. Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis, ça vous parle ? Ils se sont tournés autour près de trois mois comme ça avant que mon père ne décide de prendre les choses en mains. Il n'aimait pas trop qu'on lui résiste. Il n'a jamais aimait ça en fait...
Ils étaient donc ensemble depuis huit années lorsque j'ai vu le jour. Huit ans de bonheur apparent. Car comme tout couple, il y avait des hauts et des bas. Enfin, surtout des bas. Ma mère avait déjà dépassée les quarante ans quand elle apprit qu'elle était enceinte. Le médecin l'avait prévenu des risques que cela comportait, mais elle voulait ce bébé, espérant qu'ainsi son cher et tendre mari s'assagisse un peu et qu'il prenne un peu de temps pour lui, pour sa famille. Mais le destin -ou quoi que ce soit d'autres- s'en est mêlé. En étant admise à l'hôpital le jour où j'ai décidé de pointer le bout de mon nez, ma mère faisait déjà une hémorragie. Mon père était enfin devenu humain, lui qui ne montrait en général pas la moindre émotion en public. Il a pleuré. A la seconde où il a vu le médecin sortir de la salle où ils avaient emmenés ma mère en urgence, le regard plein de compassion. Ma mère n'avait pas survécu à ma naissance. Née dans les larmes et dans le sang.
Tout était prêt pour mon arrivée. Ma chambre, un magnifique berceau fait par le frère de mon père, des peluches de partout... Et sur la porte, mon prénom peint en rose. Une fille. Mes parents étaient si heureux de savoir que je serais une fille. Même si mon père aurait tout de même préféré un garçon -puis une fille- Tout avait été décidé dès les premiers mois de grossesse. Mon père s'était même arrangé pour rester affecter à Chicago un moment, que nous n'ayons pas a déménagé trop rapidement. Mais rien ne s'est passé comme prévu bien sûr. Voilà comment mon père se retrouvait veuf et jeune père. Voilà comment l'homme habitué à tout contrôler se mit à perdre pied du jour au lendemain. Je peux le comprendre à présent car je suis à un âge où j'ai pu prendre du recul, analyser les choses d'un œil objectif. Mais je n'ai pas eu l'occasion de lui pardonner. Puisque je me retrouvais orpheline à onze ans à peine.
Une mission qui a mal tourné. Pour protéger l'un de ses hommes, il avait prit trop de risques. La balle qui l'a frappé en pleine mâchoire ne lui a laissé aucune chance. Il n'avait jamais été très câlin, le genre à vous prendre dans ses bras ou à jouer des heures durant dans le jardin. Mais c'était mon père, je l'aimais malgré tout. Malgré les verres de trop, les coups et ce regard que je n'oublierai jamais. Celui qu'il avait quand il me dévisageait et revoyait le visage de sa défunte épouse dans le mien. Je ressemblais à ma mère, on me l'a toujours dis. Une femme admirable, douce et souriante. La ressemblance entre mère et fille se limitait donc au physique. Et même si les choses n'étaient pas faciles avec mon père, je gardais un certain équilibre, l'éducation à la dure des enfants de militaire cadrait mon excès d'énergie et mon côté tête brulée. Une fois en foyer d'accueil, plus rien ne m'empêchait vraiment de contenir toute la rage que je retenais en moi jusque là.
J'ai du être placée dans au moins un quinzaine de familles différentes. J'ai arrêté de compter après la cinquième à vrai dire. Ils avaient tous essayés de m'aider, je le sais, mais rien à l'époque ne pouvait m'apaiser. Je faisais tout pour qu'on me renvoit au foyer. Je n'obéissais pas, je répondais et pas toujours de façon polie, je cassais des trucs. Tout était bon pour faire plier mes nouveaux "parents". Et dans la dernière, j'ai franchis la limite. J'ai usé de mes poings. Sur leur fils aîné -même si ce crétin l'avait bien cherché-. Ce petit con croyait pouvoir me mettre dans son lit et s'en tirer sans soucis. Manque de bol pour lui, mon père m'avait appris à cogner. Mais bien sûr, qui allait-on croire ? Le fils de bonne famille ou l'ado à problème ? Ils ont portés plainte mais comme je n'avais pas encore dix-huit ans, le juge a opté pour une solution plus légère que la prison. Enfin, question de point de vue vous me direz. Et voilà comment un jour ...
J'ai fini par me retrouver dans une école militaire. Le juge et le psy jugeaient judicieux de me placer dans un cadre stricte où on me ferait passer mes envies de foutre la merde. C'est ce qui m'a sans doute sauver. Et en quelque sorte la boucle était bouclée. La fille finissait par suivre les traces de son père. Après deux ans passés là-bas, j'étais devenue une autre. Toute la colère était partie, disparue. La roue tournait enfin pour moi. Je suis donc entrée dans l'Armée un peu avant mes vingt-ans. Et bien sûr, j'ai relevé le défi que représentait le fait d'être une fille entourée de mecs qui allaient lui en faire baver. Mais jamais je n'ai baissé les bras, je n'allais pas leur faire ce plaisir vous pensez bien. J'avais enfin trouvé ma place en ce bas monde. Pas trop tôt! Mais mon père avait raison, mon caractère finirait un jour par me mettre dans la mouise jusqu'au cou.
Tout allait bien. J'avais un boulot certes dangereux mais qui me convenait bien, un appart, des amis et même un copain. Je m'étais calmée en quelque sorte. Même si bien sûr, parfois, j'avais un peu de mal avec certains de mes supérieurs. Mais bon. J'avais trouvé un équilibre qui semblait me fuir depuis que j'avais vu le jour. J'ai même réussi à avoir une promotion, passant de Premier Lieutenant à Capitaine. Il faut dire que sur le terrain, j'avais fait mes preuves. Mais quand un jour j'ai refusé de suivre un ordre -arbitraire et injuste-, j'ai tout perdu. Mais comme mon père, je n'avais pas pu laisser passer. Abandonner le reste de l'équipe car quelqu'un estimait que perdre ces quelques vies était acceptable pour garantir le succès de la mission. Pour qui se prenaient-ils à la fin pour juger de cette façon du droit de vie ou de morts sur des soldats ? Quelques semaines après l'incident, je quittais donc l'armée, sans trop de regrets après coup.
Dur retour à la vie civile. Mais je suis retombée sur mes pattes après quelques temps. Ne jamais baisser les bras. Mon père me rabâchait toujours cette phrase. Alors pour une fois, je l'ai écouté. Et j'ai fini par ouvrir une petite salle d'arts martiaux où l'on donnait des cours de self-defence, financée par mes minces économies faite le temps de mon passage sous la bannière. Puis un jour ce type est venu. M'a parlé d'un boulot qu'il me proposait parce qu'il pensait que j'étais parfaite pour celui-ci. C'était dangereux car il était plus ou moins recherché. Et comme ma plus grosse addiction a toujours été celle de l'adrénaline, j'ai dit oui. Voilà comment j'ai découvert l'existence de l'extraction. Et comment j'ai commencé à mener une double vie. Aujourd'hui encore j'alterne entre ces deux mondes, la réalité et le rêve. Je me suis fais une petite réputation d'ailleurs. Une de mes connaissances m'a même filé un surnom, que je trouve approprié. Living Dead Girl. C'est vrai que je vis comme si demain allait être mon dernier jour sur terre. Mais qui peut me le reprocher quand on sait dans quel monde pourri on vit.