LONDRES, 09.11.1991
Je commence un journal, je ne sais pas vraiment pourquoi mais le psy que maman me force à voir dit que ça peut m'aider. A quoi au juste, aucune idée mais il semble qu'écrire m'aide, alors bon... Qu'est-ce que ça peut me coûter d'essayer ? Faisons les présentations alors. Jethro Caleb Bishop, 8 ans, fils d'Annabeth Bishop et de Jackson Pendergast, né à Londres le 1er janvier 1983. Mes parents ont divorcés avant ma naissance et je n'ai vu mon père à ce jour qu'une dizaine de fois. Même si je sais qu'il est venu chez nous plus souvent que ça mais ma mère ne voulait pas que je le vois. Je me demande toujours pourquoi aucun d'eux ne refait sa vie de son côté. Maman est belle, intelligente et bonne cuisinière. Papa est fort et drôle, il sait se tenir en temps normal. Je les soupçonne d'être juste trop orgueilleux pour admettre leur erreur. C'est bête parfois les adultes. Les gamins aussi vous m'direz. Je suis assez petit pour mon âge ce qui fait de moi la cible préférée des petites brutes en puissance. Mais je suis plus malin qu'eux, c'est qu'au fond, il y a quand même une justice non ?
LONDRES, 01.01.1994
Papa est passé aujourd'hui. Ça faisait près de huit ans que je n'avais plus eut la moindre nouvelle de sa part. Voilà pourquoi maman et moi avons été si surpris de le voir refaire surface comme ça. Pour mon anniversaire. Avec un cadeau. Peut-être croyait-il que j'allais l'accueillir à bras ouverts ? Après qu'il soit parti comme un voleur sans un au revoir ? Je sais qu'avec ma mère ce n'est pas l'entente cordiale même s'ils font des efforts quand je suis dans les parages mais de là à partir comme ça... Je sais que rien ne le retenait plus vraiment ici, pas même moi. Une nouvelle vie dans une nouvelle ville. Il n'a pas voulu m'en parler mais il m'a dit qu'un jour, moi aussi je comprendrais. Comprendre quoi au juste ? Qu'être un lâche pouvait se justifier ? Que partir plutôt que d'affronter ses problèmes était la solution ? Bien trop de questions auxquelles le garçon de 11 ans que je suis ne peux pas répondre.
PARIS, 12.24.1998
Veillée de Noël en famille, enfin dans la famille de ma mère. Grand-mère est partie vivre en France depuis quelques temps maintenant et cette année c'est à nous de venir la voir chez elle pour les fêtes. J'ai reçu une lettre de mon père, je ne l'ai pas encore ouverte. Maman ne sait pas qu'il m'a écrit. Elle ne doit pas le savoir. Je sais qu'elle a brûlé les deux dernières, je ne sais pas pourquoi par contre. A-t-elle peur que je partes le rejoindre en Amérique ? J'ouvrirais la lettre cette nuit, quand tout le monde dormira. Je suis content de revoir ma cousine, elle fait ses études en France à présent. La seule avec qui j'ai toujours pu parler librement, la seule qui sait la vérité sur moi. La seule dans la famille qui ne me jugera jamais à cause de ça. Parce qu'elle est comme moi. On était déjà proches avant mais forcément, ça nous a rapproché encore un peu plus de partager ce "poids". On ne le vit pas comme ça, pas vraiment mais le poids des autres, du qu'en dira-t-on fait que pour le moment, mieux vaut ne pas en parler.
PARIS, 12.25.1998
Que ma mère se rassure, mon père ne veut pas que je le rejoigne, au contraire. Il coupe les ponts, pour "mon bien", je le cite. Et en quoi ça serait pour mon bien ? Je sais qu'on est une famille dysfonctionnelle à souhait mais là... Je sais qu'il ne fait pas ça pour faire table rase du passé et fonder une nouvelle famille, il tient encore trop à nous. Alors pourquoi ai-je l'impression que cette lettre tient plus d'une lettre d'adieu qu'autre chose ? Je suis certain que ça cache quelque chose et je trouverais bien quoi. Je trouve toujours. Dans deux ans, un peu moins même, je partirais pour la fac en principe. Mais j'ai pris une décision. Prendre une année sabbatique. Je me débrouillerais pour l'argent une fois là-bas mais je dois savoir. Qu'importe les conséquences. Il me doit bien ça. J'inventerais un prétexte bidon pour ma mère, elle me croit toujours. Normal, pour elle, je suis incapable de mentir, si seulement elle savait... Ce que vous ne savez pas ne vous tue pas, pas vrai ?
BÂTON-ROUGE, 05.14.2000
Je l'ai trouvé et il m'a tout dit. Tout. Pourquoi il avait poussé ma mère à divorcer, pourquoi il était parti, pourquoi il m'avait laissé cette lettre et pourquoi il se trouvait ici, en Louisiane. J'ai eus du mal à encaisser toutes ces infos en si peu de temps, je l'avoue. L'homme que je croyais être un simple assureur était en fait un autre homme. Il menait une double-vie, mais pas comme on peut le penser. Il était un "organisateur". Je lui ai demandé de quoi au juste et sa réponse m'a semblé à côté de la plaque. Alors il m'a montré. Son monde. Celui de l'extraction, du rêve dans le rêve. Alors j'ai compris. Et j'ai pardonné. Pourtant, je l'avais haït tant d'années pour nous avoir abandonner. Mais je n'avais pas de place dans cette vie là, pas encore. Je rentre à Londres demain, à la rentrée je rentrerais à Eaton, j'ai décroché une bourse. La vie reprendra son cours, j'aimerais simplement pouvoir oublier.
LONDRES, 07.31.2007
J'ai obtenu mon second diplôme. Me voilà paré pour le monde adulte. Ou pas. Je ne trouve pas ma place par ici, j'en ai assez de vivre chez ma mère. J'ai de belles opportunités de jobs, mon dossier parle pour moi de ce côté là mais je ne veux pas passer mon temps enfermé dans une salle de cours à apprendre à des gamins qui fut Napoléon ou Cléopâtre. Ils s'en tapent de toute façon, ce qui compte maintenant c'est leur ordinateur. On m'a toujours couvé, parce que j'ai l'air tout maigre et que je ne fais pas mon âge. Je ne suis pas en sucre à la fin merde. J'ai reçu une lettre de mon père, il est en Australie visiblement. Je pense à le rejoindre. Pourquoi pas après tout ? Maintenant que j'étais en âge de comprendre... Rien ne me retenez plus ici, moi non plus. Ma mère me pousse même à partir vivre ma vie. Mon dernier petit ami s'est visiblement lassé de mon côté intello. Bon, c'est décidé. Je fais mes valises demain, direction Melbourne. A moi l'aventure! Ça me changera...
LONDRES, ../../2012
Je sens que je m'attache. Pourquoi ? La planète habite plus de six milliards d'êtres humains et il a fallut que ça soit lui ! Un job comme un autre pas vrai ? Et bien non, justement pas. J'ai beau me le répéter sans arrêt, ça ne s'imprime pas dans mon crâne. Je joue avec le feu, plus qu'à l'accoutumée j'en conviens. Le feu m'a toujours fasciné mais là, je ne crois pas que j'ai franchis le stade de la fascination depuis un moment... Pourtant c'est un crétin arrogant et égoïste. Il croit naïvement que l'argent fait le bonheur. Que j'ai toujours rêvé d'être son assistant, que c'est même mon but dans la vie, de me faire crier dessus sans arrêt et d'assurer ses arrières. C'est officiel, je suis maso... Je devrais tout arrêter maintenant, avant que ça ne dégénère mais je n'y arrive pas. C'est au-dessus de mes forces...