17 Août 1993 à Londres
«
Monsieur Sheffield, savez-vous pourquoi vous êtes ici ? » Le petit garçon de dix ans leva les yeux de son jeu vidéo. Il grimaça légèrement quand son interlocuteur l'appela Monsieur. Alec détestait qu'on le nom ainsi. Il n'était encore qu'un gamin et ce n'était pas parce qu'il était le fils d'un grand promoteur immobilier qu'il fallait l'appeler Monsieur. Le blond aurait nettement préféré qu'on l'appelle Alec ou au pire Elliot même s'il n'affectionnait pas du tout son prénom d'usage. «
Je suis ici pour parler des problèmes que je rencontre dans ma vie. Ma mère a absolument voulu que je vienne ici pour parler avec quelqu'un... » Alec planta son regard dans celui de son psychologue. C'était la nouvelle lubie de sa mère. Elle trouvait qu'elle ne s'occupait pas assez de son fils, ce qui n'était pas tout à fait faux, et voulait qu'il s'ouvre au monde, qu'il ne reste pas enfermé dans sa bulle. Seulement, le petit garçon, du haut de ses dix ans, avait bien vu que la plupart de ses ''amis'' ne restaient avec lui que parce qu'il portait le nom Sheffield. Il avait donc appris avec l'expérience à ne pas faire confiance à n'importe qui. Il était alors devenu arrogant et imbu de lui-même pour prouver aux autres, qu'il n'était pas comme son père. Pour le moment, cela ne fonctionnait pas trop, mais Alec avait bon espoir qu'à un moment où un autre, cela marche. Le jeune garçon reprit alors la parole. «
Je sais aussi que ma mère veut que je ne sois pas seul. Alors au lieu d'arrêter son travail de mannequin, elle me confie à un psy... Vous savez, je n'ai peut être que dix ans, mais je suis loin d'être bête. Si mes parents m'aimaient vraiment, ils s'occuperaient plus de moi et ne m'enverraient pas chez des psy. » Le psychologue que les Sheffield avaient engagé posa son regard sur le blond. Le garçon était très perspicace pour son âge. Il avait totalement raison sur un point : ses parents. Le psy ne pouvait contredire Alec puisqu'il pensait la même chose. Seulement, il ne pouvait décemment pas dire aux Sheffield ce qu'il pensait de l'éducation qu'il donnait à leur fils. Il se contentait donc d'écouter le petit et d'essayer de trouver des solutions à ses problèmes. «
Vous sentez-vous seul Monsieur Sheffield ? » Alec soupira. «
Appelez moi Alec par pitié et cessez de me vouvoyer. J'ai dix ans, je suis encore un enfant... Enfin j'en ai l'apparence. » L'homme fut surpris par les propos du petit. Mais décida d'accéder à sa demande. «
Très bien ! Alec, te sens-tu seul ? » Le blond eu un sourire de remerciement. Il réfléchit cinq secondes à la question avant de répondre. «
Oui je me sens seul. Mes parents ne sont jamais là. Mon père est toujours dehors à vendre une maison, à essayer de gagner le plus d'argent possible et ma mère est toujours à l'étranger pour ses séances photos. Heureusement que j'ai Lisbeth avec moi. » «
Qui est Lisbeth ? » Alec entreprit alors de donner des détails de sa vie en expliquant que Lisbeth était sa gouvernante, la femme qui s'occupait de lui depuis qu'il était tout petit. Pendant qu'il parlait, Le psychologue inscrivit plusieurs choses sur son carnet. A la fin de la séance qui dura plus une heure, ce fut Mme Sheffield qui vint récupérer son fils. Pour une fois qu'elle ne travaillait pas, elle avait préféré laisser son fils à un parfait inconnu plutôt que de rester avec lui. Le petit avait l'habitude, même si à chaque fois, ça lui faisait mal. «
A bientôt Alec. » Sans savoir pourquoi, il hocha la tête et adressa un signe à cet homme qui l'avait fait parlé pendant de longues minutes. Il avait enfin trouvé quelqu'un qui l'écoutait et qui discutait avec lui. Pour une fois qu'il ne se heurtait pas à un mur, il était près à faire des efforts et à aller le voir. Alec était déjà tout excité en apprenant que la semaine suivante, il allait avoir une séance.
17 Novembre 1999 à Toronto
A cause du travail de son père, Alec voyageait beaucoup, et ne pouvait pas se faire d'amis fixes. La seule personne qu'il considérait comme son amie n'était autre que Lisbeth qui couvrait presque toutes ses bêtises. Quand il faisait le mur, elle était là pour lui fournir un alibi. Elle voyait bien que ça embêtait le jeune homme qu'elle fasse ça pour lui surtout qu'elle savait qu'il faisait tout cela pour attirer l'attention de son père. Elle était habituée à tout tenter pour que Mr Sheffield n'apprenne jamais les crasses que son fils effectuait dès qu'il avait le dos tourné. Cependant, lorsqu'il fut mis en prison lors de leur dernier voyage à Toronto, Lisbeth ne put se résoudre à dissimuler une telle chose à son patron. Ce fut donc accompagnée du père de Alec, que Lisbeth se rendit jusqu'à la prison de Toronto afin d'en faire sortir le blondinet. Son père était fou de rage qu'il entache son nom pour une simple gaminerie. Il entra en trombe dans le commissariat. Sa colère était palpable et même Lisbeth que rien n'effrayait eu peur de lui. «
Où est mon fils ? » Un officier vint alors le voir et lui demanda de s'asseoir sur une chaise pendant qu'il allait chercher son fils dans sa cellule. Ce fut avec un sourire arrogant que le jeune homme prit place devant l'officier sur la chaise à côté de celle de son père. «
Votre fils a été arrêté parce qu'il a agressé un de mes collègues alors qu'il était saoul. Il est d'ailleurs toujours en état d'ébriété, mais semble moins enclin à la violence. » Le visage de Mr Sheffield se teinta de rouge pendant quelques secondes, le temps qu'il reprenne ses esprits. Son fils se promenait maintenant dans la rue tout en ayant consommé de l'alcool. Pourquoi lui faisait-il ça alors qu'il avait tout ? Un rire incontrôlable sortit des lèvres du blond. «
Et ça te fait rire Elliot ? » Alec grimaça légèrement quand son paternel utilisa son prénom d'usage mais ne put s'empêcher de continuer de rire. Ce n'était pas comme un fou rire qui vous prend parce que la situation était drôle. Là, ça ressemblait à un rire nerveux, le rire d'un alcoolique. Alec ne l'était pas, mais comme il avait consommé bien trop d'alcool pour son corps, il trouvait la situation bien plus comique qu'elle ne l'était. Même le regard noir que lui lança Lisbeth ne le résolu pas à se taire. «
Puisque c'est comme ça jeune homme, tu seras privé de sorti pour les mois à venir jusqu'à ce que tu te calmes. » Le rire du jeune homme se fit encore plus éclatant après les dernières paroles de son père. Le pauvre officier de police ne savait pas quoi faire et il avait l'impression de regarder un match de tennis tant ses yeux se posaient à une vitesse folle sur les deux membres de la famille Sheffield. «
Comment comptes-tu appliquer ta punition ? Tu n'es jamais à la maison. Maman n'est jamais là non plus. Tu crois que je vais t'obéir comme un gentil toutou... Tu as tort. Et puis, dans quelques années, je serai libre de devenir l'écrivain que je rêve d'être. » Lisbeth leva les yeux au ciel. Elle savait déjà comment cette conversation se terminerait. «
Si tu crois que je vais te laisser gâcher ta vie pour être un écrivain pathétique qui n'arrive pas à payer ses fins de mois, laisse moi te dire que tu te trompes lourdement. N'essaye même pas de le faire, parce que tu risques de te retrouver sans le sou. » Alec savait que son père utilisait l'argent pour le tenir. Jamais il n'aurais accepté de rester aussi longtemps avec lui s'il n'avait pas eu d'argent. Il était habitué depuis tout petit au luxe et s'était impensable pour lui de ne pas vivre dans une maison, un appartement ou même une suite luxueuse. Il avait besoin de ça, comme il avait besoin de l'oxygène pour respirer. Résigné à écouter son père pour le moment, il s'excusa auprès de l'homme qu'il avait agressé et rentra chez lui accompagné de sa gouvernante et de son père. Lorsque ce dernier parti se coucher, Lisbeth monta discrètement dans la chambre de son protéger et entra. «
Tu n'aurais pas du réagir comme ça Alec. Tu le sais que ton père ne te laissera pas devenir écrivain alors qu'il le lèguera un empire quand il mourra. Attends qu'il soit mort avant de faire quoi que ce soit. » Avant qu'il ne puisse répliquer quelque chose, la jeune femme quitta sa chambre. Épuisé par le trop plein d'alcool et d'émotions, le jeune homme s'endormit.
26 Janvier 2005 à Lisbonne
15 Février 2012 à Londres